Les films traitant de voyages dans le temps sont récurrents dans le cinéma, on peut notamment penser à Retour vers le Futur ou encore Terminator, mais le sujet remonte bien plus loin que ça. D’ordinaire, le scénario l’intègre de manière très légère, souvent comme une excuse narrative pour réussir à nous pondre une histoire sans queue ni tête. De rares productions ont pourtant réussies à aborder la question temporelle, sans forcément tomber dans le ridicule.
Malgré quelques incohérences, on peut dire que le dernier film de Rian Johnson n’a aucune crainte à avoir et tombe allègrement dans cette dernière catégorie. La réalisation de Looper, bien que modeste, est en effet d’une rare intelligence. Le thème de la science fiction est bien utilisé sans pour autant qu’on en fasse une indigestion, avec un malin mélange entre les scènes d’action et les dialogues renforcé par l’excellent jeu des acteurs.
Joseph Gordon-Levitt incarne ainsi le rôle de Joe, un des nombreux Loopers qui sévit en 2044 pour le compte d’une Mafia qui ne verra pas le jour avant 2070. Ces individus œuvrent pour une organisation mafieuse qui expédie dans le passé les personnes dont-elle veut se débarrasser, faisant ainsi disparaitre toute trace de leur existence. Les Loopers attendent sagement la livraison de leur colis, à un endroit et une heure précise, pour ainsi liquider promptement toute personne qui apparaitra devant eux. Un boulot qui permet de vivre la grande vie, grâce à la récompense qu’il récupère sur le corps des pauvres malheureux. Mais cette vie opulente à un prix à payer et cela va bientôt le rattraper.
En acceptant ce travail, chaque Looper est conscient qu’un jour ou l’autre il va devoir boucler sa boucle. Au moment venu, il s’agit en effet de tuer notre moi venant du futur, avec une grosse prime à la clé et qui devra nous satisfaire durant les trente prochaines années, instant où on sera envoyé vers le passé. Une vérité que chaque assassin accepte sans rechigner, sous peine de se retrouver en très mauvaise posture. Mais après une vie rondement mené, le Joe du futur n’est pas spécialement en accord avec ce chemin tout tracé, un destin qu’il tentera de modifier en allant dans le passé.
On pourrait facilement imaginer que la suite du film se situera dans une course poursuite entre les deux protagonistes, c’est en tout cas ce que laisse présager la bande-annonce du film. Même si c’est un peu le cas, le tour de force du réalisateur a été de complètement sortir de ce contexte, en jouant avec les causes à effet pour surprendre le spectateur. Les évènements dans le présent ayant un impact direct sur les souvenirs ou le physique des personnes vivant ou venant du futur, cela contribue à nous livrer des scènes sur lesquelles il faut parfois allumer sa cervelle pour en comprendre tous les aboutissants.
Mais la véritable rupture se situe vers la moitié du long-métrage, avec un passage du milieu urbain de la grande ville à une vision plus rurale, avec l’action qui se déroule littéralement au milieu d’une ferme. C’est à ce moment que Joe fera la connaissance de Sara (Emily Blunt) et son fils Cid, cette rencontre chamboulera le scénario de base mis en place dans Looper, au point de nous surprendre par sa nouvelle tournure. On est loin du bête film d’action auquel on pouvait s’attendre, avec un contexte et des personnages vraiment travaillé et approfondie, même si on ne passe pas à coté des sempiternels méchants et mafieux complètement caricaturés et sans âme.
L’intrigue de Looper est vraiment porté par le jeu d’acteur de Joseph Gordon-Levitt, qui réalise ici un tour de force en se rapprochant le plus possible de la gestuel d’un certain Bruce Willis, qui au passage offre une performance correcte sans pour autant être époustouflante. La métamorphose de Joe est à la mesure de son égo et de son ambition, qui sont rapidement remise en question durant sa chasse à l’homme et surtout sa rencontre avec Sara. Des changements qui arrivent à nous tenir en haleine et qui font qu’on se lie facilement d’amitié avec ce personnage, au point d’être surpris par le dénouement final, alors que celui-ci arrivait pourtant avec de grands sabots.
La réalisation de Looper n’est pas irréprochable, avec quelques imperfections sur les effets numériques ou quelques rustines scénaristiques vraiment flagrantes, mais cela n’empêche pas d’avoir un film d’une rare profondeur et qui nous entraine facilement dans ses méandres. Un bouffé d’air frais sur un film qu’on n’attendait pas vraiment et qui se révèle comme une belle surprise de cette fin d’année.