Little Big Stories, un nexus médiatique aux éditions Pix’n Love

« Vous avez fait un choix. »

Celui de me lire ou de passer votre chemin ou bien des milliers de possibilités qui passe par votre tête… Et oui, c’est la base de la narration et c’est ce que raconte Dylan Holmes dans « Little Big Stories ». Lorsque j’ai pris connaissance de la sortie imminente de cet ouvrage, je me suis dit qu’il y avait enfin un ouvrage critique dans le jeu vidéo et c’est ce qu’il manquait. Car ce média est de plus en plus médiatisé dans les JT et autres, mais souvent diabolisé et ce genre d’ouvrage peut ramener les novices comme les athées à une vision du monde vidéo-ludique plus juste.

Little Big Stories-head

Ouvrage et structure

La couverture, l’apogée du livre, c’est l’Alpha et l’Omega, le début et la fin, la satisfaction d’un travail terminé et le début d’une aventure. C’est la première chose que le futur lecteur voit en premier et elle est déterminante pour le choix de l’achat. Et comme à l’accoutumée, Luc Pétronille a su capter l’essence même que dégage « Little Big Stories ». Il a utilisé des éléments clés du jeu qui illustre la finalité et l’importance de la narration dans le jeu vidéo. Sur une couche de papier cartonné glacé, il utilise habilement la « cocotte » en papier de « Heavy rain » pour laisser entrevoir des visages iconiques avec des détails subtilement placés dessus. Elle capte le lecteur, elle intrigue (oui, retourne le livre…) et laisse plonger son futur possesseur dans les quelques lignes qui résume ce livre exceptionnel.

Chaque ouvrage proposé par Pix’n Love ne sont pas des œuvres originales issues de ladite maison d’édition. En effet, certains sont des traductions d’œuvres étrangères et c’est notre cas ici. Non pas pour nous déplaire, mais pour nous proposer un panel plus large de lecture exceptionnelle dont il serait idiot de passer à côté, nous, passionnés de notre média favori. Ainsi, Bruno Provezza a fait un travail remarquable où il a dû ouvrir plusieurs fois le Larousse à la recherche du mot parfait pour capter l’essence de ce que veut nous transmettre Dylan Holmes. On remarque bien au travers des lignes parcourues, l’effort fournit par Bruno pour nous proposer cette adaptation la plus fidèle possible de l’original dans la langue de Molière sans pour autant altérer la fluidité de la lecture, ce qui est parfois très difficile.

Little Big Stories, une belle analyse du jeu vidéo
Little Big Stories, une belle analyse du jeu vidéo

Par ailleurs, la mise en page de Julie Gantois est excellente et agréable en lecture. Chaque chapitre qui constitue une analyse d’un jeu est séparé par un artwork et la jaquette du jeu évoqué. Ces chapitres sont aussi agrémentés par des screenshots légendés avec une police plus claire pour se démarquer du texte principal. Et agencé de manière fluide, ce qui ne perturbe pas notre lecture. Le même soin a été apporté pour les annotations complémentaires.

Dans la composition du livre, à l’aide d’appendices, l’auteur va pousser la réflexion plus loin en apportant de nouvelles réponses à des questions qui nous viennent au fur et à mesure de la lecture. Questions que se sont posées diverses personnes de son entourage après lecture de son livre et dont Dylan Holmes apporte sa lumière. Il nous propose aussi comment (re)jouer aux 13 titres abordés dans Little Big Stories afin de faire notre propre expérience de ces jeux présentés tout au long de cet ouvrage. Enfin, il aborde plus brièvement des titres choisis dans la myriade de jeux notables par leurs récits et tous aussi étonnants que ceux analysés précédemment. Chaque citation que l’on rencontre dans ce livre est référencée en annotations et les ouvrages rencontrés sont référencés dans une bibliographie, mais aussi dans un recueil de travaux consulté pour chaque jeu analysé, nous invitant à aller les consulter.

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Au cœur de la narration

L’aventure commence avec une belle préface d’Eric Viennot (cofondateur avec José Sanchis de Lexis Numérique, un studio de développement français fondé en 1990. On lui doit la série « In Memoriam » et « eXperience 112 »), qui porte sa pierre à l’édifice grâce à une analyse rapide de ce que veut expliquer l’auteur de ce livre, tout en apportant son propre ressenti en tant que créateur de jeu. La citation de Dan Houser (cocréateur de GTA): « La littérature raconte des histoires. Le cinéma filme des histoires. Les jeux vidéo permettent d’interagir avec l’histoire. » pourrait parfaitement résumer Little Big Stories. Dylan Holmes a voulu au travers de ses expériences vidéo-ludiques nous montrer la place que peut prendre la narration et sous quelle forme dans le jeu vidéo. Il a donc sélectionné et analysé plusieurs titres exceptionnels parmi des milliers d’autres au fil de ces deux dernières décennies. Sa sélection s’est surtout axée sur la manière innovante que le jeu utilise la narration.

Même si l’ordre des titres traités ne se fait pas de manière chronologique, Dylan Holmes a su mener sa barque de façon progressive et logique afin d’appuyer sur l’importance de la narration dans un jeu, comme un pont émotionnel entre le joueur et le créateur du jeu. Ainsi, en utilisant divers artifices que peut procurer la narration, le joueur, au travers de l’histoire qu’il est en train de vivre, peut rire, pleurer, ressentir une certaine attirance ou sympathie pour son avatar comme un triangle relationnel, vivant l’aventure comme il le vit ou que le créateur a pu l’imaginer.

Un choix de jeux pertinent
Un choix de jeux pertinent

Little Big Stories et aussi un formidable ouvrage dans le sens où le lecteur peut être totalement novice dans l’univers vidéo-ludique et très bien assimiler sa lecture tout comme le joueur aguerri qui va se retrouver dans certaines expériences qu’a pu vivre l’auteur en jouant à ces jeux évoqués. Il marque une scission dans l’utilisation de la narration qui prend toute sa place dans les jeux vidéos  au début des années 2000, alors qu’à des époques révolues, son utilisation était encore aux balbutiements.

En analogie avec le gameplay émergent dans le jeu vidéo, le lecteur peut avoir une approche différente de l’écriture et l’analyse de Dylan Holmes. On parle de gameplay émergent, lorsque le joueur arrive à ses fins sans pour autant exécuter les différentes actions pensées par le créateur. Et « The Talos Principle » est le bon exemple pour illustrer le terme, car il est possible de résoudre les énigmes des premiers mondes juste en montant sur les murs qui délimite les zones enfermant les « Sigils ». Ainsi, chacun peut faire sa propre lecture et en retirer une conclusion en dehors du sujet principal.

Pour ma part, je pense que l’auteur pose le doigt sur l’influence de l’argent de plus en plus présent dans le monde vidéo-ludique qui avec les avancées technologiques, les studios proposent des jeux de plus en plus coûteux, mais en contrepartie d’un refus d’une prise de risque pour tenter une quelconque innovation dans l’utilisation de la narration ou du gameplay. Pour finir, nous avons des grosses licences qui sont formatées sur un même schéma fonctionnant chez les joueurs. En revanche, des petits studios peuvent créer des IP innovantes, dont le joueur aurait grand intérêt à s’y attarder.

 

En Conclusion

Pix’n Love nous offre encore ici un ouvrage très intéressant avec un sujet jamais abordé et qui propose une lecture rafraîchissante dans la presse vidéo-ludique. Et mis à part la petite coquille (prou = pour page 180 l7), cette  version est impeccable avec une belle couverture et une excellente mise en page agréable en lecture. Je vous recommande vivement d’aller sur le site de l’édition pour commander ces 320 pages de réflexion sur un sujet intéressant et inédit.

Par Dageta

Membre de MO5.com, collectionneur dans l'âme et fervent défenseur du patrimoine vidéoludique.

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