Le studio Lince Works est la preuve vivante qu’on peut tout de même sortir son jeu et cela malgré l’échec d’un Kickstarter. C’est le parcours tumultueux qui a engendré Aragami, un jeu qui flirte avec les classiques du jeu d’infiltration, tout en essayant de proposer un contexte scénaristique un peu plus travaillé que dans nos habitudes. C’est en tout cas l’idée, mais reste à voir si l’exécution suit également les ambitions du jeu.
Un passé brumeux
C’est durant la nuit que notre Aragami se fait invoquer par la mystérieuse Yamiko. Cette dernière nous apprend qu’on est en réalité un simple outil, une âme vengeresse dont l’unique but est d’aider son invocateur. C’est en tout cas ce que nous raconte la forme fantomatique de la jeune demoiselle qui apparait devant nous. Et elle nous raconte qu’elle est emprisonnée depuis des années par l’armée de la lumière. Notre objectif va donc être de la délivrer, en réunissant cinq artefacts qui vont nous aider à briser le sceau de sa prison. C’est en tout cas ce qu’on attend de nous, mais bien vite on sera amené à avoir des visions, qui parfois nous montreront le passé de Yamiko mais aussi celui d’une personne qui nous est jusqu’alors inconnue. C’est là que le doute sur notre existence et sur notre rôle dans cette histoire commence à s’installer.
Sans être extraordinaire, le scénario tient la route et se montre même plutôt solide car il est mis en avant par des dialogues sous-titrés en français, ainsi que des cinématiques assez jolis et bien dessinées. La direction artistique d’Aragami est une des forces du jeu, avec un Japon médiéval qui accumule les clichés mais qui est tout de même cohérent. Il faut dire que le jeu arbore un semblant de cel-shading qui mélange habillement la lumière ainsi que les effets de pénombre, avec de temps à autre des couleurs un peu plus vive comme le rouge. L’identité visuelle est donc très prononcée et même si le jeu n’est pas irréprochable sur le plan technique, cela lui confère tout de même une superbe aura. On prend vraiment du plaisir à se mouvoir dans les différents lieux qu’on traverse, allant de la maison traditionnelle japonaise, en passant par des cimetières ou des forêts.

Un jeu d’ombres et de lumières
Pour ce qui attrait à l’infiltration, on reste dans quelque chose de très simple avec un personnage qui doit rester hors de vue des gardes afin de ne pas se faire repérer. Les ennemis pouvant nous tuer en un seul coup, que cela soit à distance ou au corps à corps, il vaut mieux éviter tout contact direct. Il sera rapidement possible de les tuer furtivement en se mettant derrière eux ou en leur sautant dessus en se postant sur un toit, mais évidemment le jeu nous incite surtout à ne pas se faire repérer et d’atteindre la fin du niveau en ne tuant personne. C’est en tout cas une invitation qui nous est faite sur le tableau de score de fin, qui nous récapitule toutes nos actions effectués durant notre avancé dans le stage.
Notre arsenal de compétences va vite s’étoffer, du moins s’il l’on arrive à trouver les parchemins qui permettent de les débloquer et qui sont cachés dans les niveaux. Les zones à arpenter peuvent être exigus, comme un bâtiment, mais aussi des endroits bien plus vastes et remplis de recoins et surtout de gardes. L’IA est plutôt binaire et la plupart du temps elle se contentera de suivre des chemins de rondes prédéfinis, mais c’est justement ce qui nous obligera à apprendre par cœur leurs déplacements et la moindre erreur nous fera recommencer au dernier point de contrôle. C’est pourquoi il faudra vraiment s’armer de patience, surtout que même si elle n’est pas totalement punitive, la difficulté dans Aragami est bien corsée et demandera un petit temps d’adaptation.

Utiliser tous ses outils
Devant l’incapacité de sauter, notre Aragami possède tout de même une compétence de taille qui est celle de pouvoir se téléporter dans les zones d’ombres. Sur le papier cela peut sembler très puissant, mais son usage est limité par une jauge d’énergie représenté sur notre cape et qui ne se recharge qu’en étant caché dans la pénombre. L’utilisation de cette compétence aura donc ses limitations, puisque l’énergie va se vider si l’on se tient trop longtemps dans la lumière. Cette restriction nous empêche d’abuser de cette compétence et il faudra bien juger la situation où l’on souhaite l’utiliser, sous peine de se retrouver sans défense face à l’ennemi, qui lui ne manquera pas de nous le faire payer. Il sera donc nécessaire de scruter l’environnement pour déceler les recoins obscures qu’on va pouvoir utiliser pour se dissimuler.
La panoplie de compétences actives dont-on dispose est classique, avec le leurre, l’écran de fumée ou encore les clochettes pour attirer l’attention à un endroit précis, mais il faut reconnaître que cela fonctionne vraiment bien dans l’ensemble. On regrettera tout de même l’implantation de capacités passives qui peuvent se montrer bien trop puissante, comme celle nous permettant de savoir où sont les gardes à travers les murs ou encore celle nous montrant l’emplacement de tous les objets à ramasser. Une facilité dont le jeu aurait largement pu se passer et qu’il faut vraiment se forcer à ne pas prendre, afin de ne pas gâcher inutilement notre expérience. Surtout que le gameplay du jeu est vraiment porté par une forme d’infiltration basée sur la patience et l’exploration.
En conclusion
Même s’il ne réinvente rien, Aragami arrive tout de même à s’approprier des mécaniques du genre d’infiltration, tout en les utilisant à sa sauce. Le résultat est convaincant et arrive même à nous surprendre par moment. Avec son principe de base de devoir jouer avec les ombres pour se faufiler autour des ennemis, tout en ayant un personnage très fragile, on a entre les mains un jeu très exigeant et qui demandera un peu de pratique avant de totalement montrer son potentiel. Un type de jeu qu’on aimerait voir plus souvent, et même s’il n’est pas parfait techniquement cela ne doit vraiment pas vous empêcher d’y jeter un œil.