Test – Never Alone : le jeu vidéo dans le grand nord

En mettant loin derrière nous le débat de savoir si le jeu vidéo est un art ou non. Il est évident tout de même que ce média peut servir à véhiculer un message, voire des émotions. Avec Never Alone, c’est clairement ce qu’Upper One Games tente de mettre en œuvre. Sous les traits d’un jeu vidéo, le studio essaye de retranscrire une histoire orale du peuple Inuit, en tentant d’happer le joueur au cœur d’un récit qui se veut poétique.

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Dans le cadre de l’hiver

Il est toujours difficile d’aborder un jeu comme Never Alone (Kisima Ingitchuna, en Iñupiaq), car on sent vraiment que le studio qui est derrière son développement à voulu faire son possible pour qu’on apprécie leur production. La démarche étant vraiment de faire connaître la culture Iñupiaq, au travers d’un média qui permet d’interagir directement avec l’histoire qui nous est conté. Mais bien plus qu’un simple jeu, Upper One Games a introduit de nombreux éléments qui sont directement issus du patrimoine culturelle des inuits. Ainsi, une bonne vingtaine de petits documentaires se débloqueront durant notre progression, notamment lorsqu’on croisera des petits hiboux en arrière plan. Chacune de ses vidéos reviendra pour nous sur un aspect méconnu de la culture inuit, comme leur lien avec la nature, leur art ou encore leur croyance.

Le récit qui s’ouvre devant nous est également renforcé par une voix off qui nous met tout de suite dans l’ambiance, agrémenté par des petites scènes animées durant le chargement entre les niveaux. Tout est vraiment fait pour essayé d’immerger le joueur dans l’histoire et cela fonctionne plutôt bien, même s’il faut admettre que cela ne parlera pas à tout le monde. Le joueur prend place dans la peau de Nuna, qui s’inquiète pour l’avenir de son village, car ses habitants sont dans l’incapacité d’aller chasser à cause d’une tempête de neige. La petite fille va donc entreprendre un voyage dans les contrées hostiles et glaciales, afin de lever le voile sur l’origine de ce mauvais temps. Elle sera vite rejointe par un renard arctique, qui prendra une place prépondérante dans son périple.

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Facile, voire un peu trop même

Si le contexte de Never Alone n’est pas vraiment à remettre en cause, sous couverture qu’on accroche à son parti pris de documentaire interactif. Il faut aisément dire qu’on sera un peu plus regardant sur son gameplay. En faite, celui-ci se montre très basique et n’offre aucune surprise, au point d’en devenir presque trop simpliste. Nuna pourra simplement avancer et effectuer de petit saut, tandis qu’elle obtiendra des bolas, tout aussi efficace que pénible à utiliser, qui lui serviront à briser des obstacles de glace. La mécanique de jeu la plus originale, si l’on peut dire, restera la possibilité d’alterner à tout moment entre la fillette et le renard. Dans la peau de l’animal, il sera possible de faire de plus grands bonds et de grimper, de manière un peu pataude, le long d’un mur vertical. Son intérêt principal sera de faire apparaître des esprits, qui pourront servir de plate-forme à Nuna, sous réserve que le renard reste à proximité. Ce qui aurait pu donner lieu à des énigmes assez sympathiques, mais c’est pourtant loin d’être le cas.

Car si l’on comprend le besoin d’avoir un jeu accessible et compréhensible par tout le monde, afin de pouvoir profiter du message que Never Alone essaye de faire passer. C’est un peu plus problématique quand on s’arrête sur le jeu en lui-même. Le jeu s’enlise en effet rapidement dans une succession de niveaux totalement prévisible, avec des passages qui ont été déjà-vu des dizaines de fois. Des caisses à pousser, monter avec le renard pour faire tomber une corde afin que Nuna puisse y grimper, des passages où il faudra se mettre à terre pour se protéger du vent, voire des courses poursuites parsemer de plates-formes. Tout est vraiment fait pour qu’on ait le sentiment de faire tout le temps la même chose. De rares énigmes un peu plus ponctuelles se permettent le luxe de sortir du lot, mais elles sont la plupart du temps gâché par une technique vraiment déplorable.

Il arrive à plusieurs moments qu’on soit bloqué dans un passage, car on ne comprend pas ce qu’on attend de nous. Les indications visuelles ne sont pas toujours très claires, à cause d’une caméra mal placée ou d’un évènement qui ne s’est pas déclenché. Il faut parfois tâtonner pour trouver la bonne manière de faire, en trouvant un esprit qui était positionné un peu bizarrement ou une plate-forme qui n’était pas dans notre champ de vision. Le level design souffre d’un manque de savoir-faire et c’est vraiment dommage. Mais cela aurait pu être pardonnable, à ranger dans la catégorie du manque d’expérience de la part du studio, mais l’on doit se coltiner une telle liste de bugs que cela en devient très vite pénible. Déjà que la rythme du jeu est très lent, à la limite de l’ennuyant, on doit parfois vraiment se forcer pour progresser.

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À deux c’est vraiment mieux, mais vraiment

Never Alone est un titre qui est entièrement jouable en coopération, heureusement d’ailleurs, car avoir un deuxième joueur avec soi n’est que trop conseillé. On voulait parlait précédemment que le jeu comporte un bon nombre de bugs, entre le personnage qui se bloque dans une texture ou qui traverse le sol, il y de quoi sentir la frustration monter en nous. Ce qui est encore plus vrai quand on prend notre courage à deux mains et qu’on essaye de faire l’aventure en solitaire. Si le calvaire dure seulement trois petites heures, cela suffira pour en sortir complètement lessivé. L’IA du deuxième personnage, que cela soit la fille ou le renard, montre vite ses limites et devient une véritable catastrophe ambulante. Il n’est pas rare de devoir recommencer plusieurs fois un passage, car l’IA aura décidé de sauter directement dans un trou, dans l’espoir de vous rejoindre alors que vous étiez en train de résoudre une énigme un peu plus loin. Ce genre de maladresses s’enchainent et finissent par nous enlever le peu de plaisir qu’on pouvait ressentir à arpenter le jeu. Et même si les points de contrôle sont relativement bien placés, cela devient agaçant de devoir s’y reprendre à plusieurs fois.

Un manque flagrant de peaufinage, c’est ce qu’on retiendra au final de Never Alone. Car ce qui démarre comme une belle promenade, se termine rapidement dans un grand calvaire. C’est d’autant plus regrettable qu’à coté de ses bugs, le jeu bénéficie d’un bel enrobage. Graphiquement cela ne paye pas de mine, mais reste tout de même joli à regarder, même si l’animation des personnages peut parfois nous sembler un peu rigide. Le grand nord est forcément omniprésent, mais cela donne un ton très particulier à l’histoire, avec un thème qu’on n’est assurément pas habitué de voir dans un jeu vidéo. L’atmosphère sonore qui nous accompagne est d’ailleurs plutôt discrète et véritablement enchanteur. Mais cela ne suffit pas. On essaye de se laisser porter par ce petit conte, en suivant les paroles du narrateur, mais on se rend vite à l’évidence que cela ne fonctionne pas. Les soucis techniques nous ramènent vite à la réalité et entache complètement notre expérience.

 

En conclusion

Il est plutôt facile de comprendre l’initiative de départ, qui peut servir à engendrer un jeu comme Never Alone. L’intention est même très louable et vraiment intéressante, surtout que l’aspect éducatif qui émane du jeu est relativement bien pensé, avec ses petits documentaires qui accompagnent notre progression. Mais on reste rapidement coincé sur tous les problèmes techniques qui viennent gâcher notre plaisir. Surtout qu’il faut vraiment être sensible à l’histoire, sous peine de vite décrocher du jeu. Le rythme du jeu est vraiment lent et il ne faut pas espérer sur un gameplay très profond pour le rehausser, puisque c’est tout le contraire. On reste donc sur une impression en demi-teinte, avec un voyage qui aurait pu entièrement profiter du support sur lequel il a été porté, mais qui rate presque totalement son objectif.

Par Cédric Fischer

Rédacteur en chef

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